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31 décembre 2013

Pape François: L'épiscopat est le nom d'un service, pas d'un honneur


« L’« épiscopat » est le nom d’un service, pas d’un honneur », explique le pape François.
Le pape a en effet présidé l’ordination épiscopale de deux évêques, samedi, 19 mars (2016), en la basilique Saint-Pierre : Mgr Peter Brian Wells, des Etats-Unis, nommé en février dernier comme nonce apostolique en Afrique du Sud, au Botswana, au Lesotho, et en Namibie, et Mgr Miguel Angel Ayuso Guixot, espagnol, secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
« A l’évêque il revient davantage de servir que de dominer, selon le commandement de notre Maître : « Que le plus grand d’entre vous, devienne comme le plus jeune. Et le chef, comme celui qui sert ». Soyez serviteurs. De tous : des plus grands et des plus petits. De tous. Mais toujours serviteurs, en service », a insisté le pape.
Il a spécialement invité les évêques à se montrer disponibles en premier pour leurs prêtres en disant: « Aimez avec un amour de père et de frère tout ceux que Dieu vous confie. Avant tout, les prêtres et les diacres. Cela fait pleurer quand tu entends qu’un prêtre demande à parler avec son évêque et que la secrétaire ou le secrétaire lui dit : « Il a tellement de choses à faire, il ne pourra pas te recevoir avant trois mois ». Le premier prochain de l’évêque est son prêtre, son premier prochain. Si tu n’aimes pas ton premier prochain, tu ne seras jamais capable de les aimer tous. »
Voici notre traduction complète de l’homélie du pape François.

Homélie du pape François
Très chers frères et sœurs,
Cela nous fera du bien de réfléchir attentivement à la haute responsabilité ecclésiale à laquelle sont promus nos frères.
Notre Seigneur Jésus-Christ, envoyé par le Père pour racheter les hommes, envoya à son tour dans le monde les douze apôtres afin que, remplis de la puissance de l’Esprit Saint, ils annoncent l’Évangile à tous les peuples et qu’en les réunissant sous un unique pasteur, ils les sanctifient et les guident vers le salut.
Afin de perpétuer de génération en génération ce ministère apostolique, les Douze s’associèrent des collaborateurs en leur transmettant par l’imposition des mains le don de l’Esprit reçu du Christ, qui conférait la plénitude du sacrement de l’Ordre. Ainsi, à travers la succession ininterrompue des évêques dans la tradition vivante de l’Église, ce ministère premier s’est conservé et l’œuvre du Sauveur continue et se développe jusqu’à notre époque. En l’évêque, entouré de ses prêtres, notre Seigneur Jésus-Christ lui même, grand prêtre pour l’éternité, est présent au milieu de vous.
En effet, c’est le Christ qui, dans le ministère de l’évêque, continue de prêcher l’Évangile du salut et de sanctifier les croyants, par le moyen des sacrements de la foi. C’est le Christ qui, dans la paternité de l’évêque, ajoute de nouveaux membres à son corps qu’est l’Église. C’est le Christ qui, dans la sagesse et la prudence de l’évêque, guide le peuple de Dieu dans son pèlerinage terrestre jusqu’au bonheur éternel. Le Christ qui prêche, le Christ qui fait l’Église, qui féconde l’Église, le Christ qui guide : c’est cela, l’évêque.
Accueillez donc avec joie et gratitude ces frères, qu’aujourd’hui nous, les évêques, nous associons au collège épiscopal par l’imposition des mains. Rendez-leur l’honneur qui est dû aux ministres du Christ et aux dispensateurs des mystères de Dieu, à qui sont confiés le témoignage de l’Évangile et le ministère de l’Esprit pour la sanctification. Souvenez-vous des paroles de Jésus aux Apôtres : « Celui qui vous écoute, m’écoute ; celui qui vous rejette, me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé ».
Quant à vous, très chers frères, élus du Seigneur, pensez que vous avez été choisis parmi les hommes et pour les hommes, vous avez été instruits des choses qui concernent Dieu. L’« Épiscopat » est, en effet, le nom d’un service, pas d’un honneur. Puisqu’à l’évêque il revient davantage de servir que de dominer, selon le commandement de notre Maître : « Que le plus grand d’entre vous, devienne comme le plus jeune. Et le chef, comme celui qui sert ». Soyez serviteurs. De tous : des plus grands et des plus petits. De tous. Mais toujours serviteurs, en service.
Annoncez la Parole en toute occasion : opportune ou non opportune. Corrigez, réprimandez, exhortez en toute magnanimité et avec la doctrine. C’est par l’oraison et l’offrande du sacrifice pour votre peuple que vous puiserez dans la plénitude de la sainteté du Christ la richesse multiforme de la grâce divine. N’oubliez pas que la première tâche de l’évêque est la prière. C’est Pierre qui l’a dit, le jour de l’élection des sept diacres. La deuxième tâche, l’annonce de la Parole. Ensuite viennent les autres. Mais la première est la prière. Si un évêque ne prie pas, il ne pourra rien faire.
Dans  l’Église qui vous est confiée, soyez de fidèles gardiens et dispensateurs des mystères du Christ, mis par le Père à la tête de sa famille ; suivez toujours l’exemple du Bon Pasteur, qui connaît ses brebis : derrière chaque papier il y a une personne. Derrière chaque lettre que vous recevrez, il y a une personne. Que cette personne soit connue de vous et que vous soyez capables de la connaître.
Aimez avec un amour de père et de frère tout ceux que Dieu vous confie. Avant tout, les prêtres et les diacres. Cela fait pleurer quand tu entends qu’un prêtre demande à parler avec son évêque et que la secrétaire ou le secrétaire lui dit : « Il a tellement de choses à faire, il ne pourra pas te recevoir avant trois mois ». Le premier prochain de l’évêque est son prêtre, son premier prochain. Si tu n’aimes pas ton premier prochain, tu ne seras jamais capable de les aimer tous. Proches des prêtres, des diacres, de vos collaborateurs dans le ministère ; proches des pauvres, des sans-défense et de ceux qui ont besoin d’accueil et d’aide. Regardez les fidèles dans les yeux ! Pas de travers, dans les yeux, pour voir leur cœur. Et que ton fidèle, qu’il soit prêtre, diacre ou laïc, puisse voir ton cœur. Mais regardez toujours dans les yeux.
Ayez une grande attention pour ceux qui n’appartiennent pas à l’unique bergerie du Christ, parce qu’eux aussi vous ont vraiment été confiés dans le Seigneur. Rappelez vous que, dans l’Église catholique réunie par le lien de la charité, vous êtes unis au Collège des évêques et vous devez porter en vous la sollicitude de toutes les Églises, secourant généreusement celles qui ont le plus besoin d’aide.
Veillez avec amour sur tout le troupeau dans lequel l’Esprit Saint vous place pour gouverner l’Église de Dieu. Et ceci faites-le au nom du Père, de qui vous rendez l’image présente ; au nom de Jésus-Christ, son Fils, par qui vous êtes institués maîtres, prêtres et pasteurs ; au nom de l’Esprit Saint qui donne vie à l’Église et qui, avec sa puissance, soutient notre faiblesse.
Que le Seigneur vous accompagne, qu’il vous soit proche sur cette route que vous commencez aujourd’hui.

© Traduction de Zenit, Hugues de Warren

30 décembre 2013

Comment choisir un guide spirituel? de Jacques Nieuviarts, bibliste.


Un guide spirituel aide à mieux comprendre sa foi et à mieux la pratiquer. Parce que la foi ne se vit jamais seul. La foi est profondément personnelle bien-sûr, mais jamais solitaire.
Pour mieux voir, c'est-à-dire pour voir en relief et avoir le sens des distances, il faut avoir les deux yeux ouverts et… être vigilant. Ceux qui voient mal le savent. Ce n'est qu'au microscope - ou pour prendre les photos - que l'on en ferme un, pour concentrer la vue sur l'autre.
Dans la vie spirituelle, c'est pareil. Pour bien avancer, il faut voir en 3D. Mais ça ne se fait pas du premier coup, et ce n'est pas si simple.
Dans la vie spirituelle, il faut souvent, si ce n'est toujours, un complément de regard. L'accompagnateur est ce supplément de regard. Mais attention : à certaines conditions seulement !


Touche pas à ma liberté !


La condition essentielle, incontournable, c'est la liberté, de part et d'autre. Ce que nous souhaitons au fond, c'est que notre foi travaille ou prenne toute notre vie. Et pour cela, nous ouvrons notre vie au regard de quelqu'un qui va avec nous y rechercher les signes de Dieu. Quelqu'un de confiance. Un ami de Dieu. Et qui est là simplement pour être serviteur de ce désir de Dieu dans nos vies.
On disait jadis un "directeur de conscience". Mais le terme "accompagnateur spirituel" est beaucoup plus juste.
Il ne commande rien dans notre vie. Il est témoin attentif des signes de Dieu, sans aucun projet préconçu sur nous. Et cela est essentiel.
Là où il n'y a pas le respect de la liberté, Dieu n'est pas, ou il est en danger. Façon de dire que nous le sommes aussi !


Un ami de Dieu


Faut-il pour cela choisir un prêtre ? Bien-sûr, mais pas forcément. Aujourd'hui, beaucoup de laïcs, hommes et femmes, se forment pour mieux rendre ce service, lors de retraites par exemple, etc.
Mais si l'on n'en connaît pas, on peut aussi s'adresser à une personne de notre entourage. L'important : qu'il n'y en ait qu'une. On ne confie pas sa vie, pour une relecture des signes de Dieu , à 36 personnes, ce serait de la dilution, ou comme un navire sans gouvernail. Important aussi : que cette personne ne soit peut-être pas trop proche. Qu'elle sache écouter, laisser de la place à Dieu, dans le regard, le silence, la parole, la prière, qu'elle respecte notre vie profonde et notre liberté. Car l'accompagnement spirituel est une oeuvre de Dieu.
Important donc de choisir quelqu'un en qui on puisse reconnaître un ou une ami(e) de Dieu, capable de discrétion, de respect, de prière. Et chaque année, il m'est bon d'évaluer le chemin parcouru. Vérifier comment il a construit ma vie. Si vraiment cela n'était pas le cas, il me faudrait revoir et peut-être changer de route, éventuellement d'accompagnateur.


Comment ?


En inscrivant de telles "rencontres de l'Esprit" dans la régularité : une fois par mois par exemple, c'est une bonne fréquence. Quand on est en période de décision importante, ce peut-être un peu plus, mais ce n'est pas la quantité qui compte, mais la régularité. Et en se préparant le coeur à ces rencontres, dans le silence, la prière, le dialogue avec le Seigneur.
En relisant, comme l'on dit, sa vie : je repense alors à ce qu'a été ce temps de vie pour moi, à mes rencontres, mes découvertes, à ce qui a été important, peines ou joies.
Et en voyant comment j'ai pu pressentir parfois la rencontre du Seigneur, ce qui a été dans ma prière, les paroles de l'Ecriture qui ont été éclairantes pour moi… Je re-cueille. Je prends même éventuellement des notes. Je prie avec cela, pour rendre grâces, pour demander pardon, pour demander au Seigneur qu'il m'éclaire. Je lui confie cette tranche de vie.
Alors je suis prêt à parler avec mon accompagnateur, pour garder l'essentiel comme une parole de Dieu pour ma vie. Pendant Mon coeur porte dans la prière ou comme une prière cette rencontre. Car c'est une forme de prière, de rencontre de Dieu. Je partage ce que j'ai recueilli, avec simplicité.



Je dis où est ma joie, mon souci, mon épreuve, ma tristesse


Mais en me rappelant bien que c'est un lieu sans voyeurisme, où le but est de partager ma vie mais pas de l'étaler.
Les choses de Dieu ne s'étalent pas, et il y a de la discrétion dans l'accompagnement spirituel, c'est essentiel. L'accompagnateur spirituel normalement ne me dit pas ce que je dois faire. Il fait écho à ce que j'ai partagé, à ce que je deviens avec le Seigneur dans ma vie concrète. C'est presqu'une prière. Et cela me renvoie à rendre grâce au Seigneur, dans le silence, dans la joie.
Un ami peut-il être un bon accompagnateur spirituel ? Pas forcément. Car il faut toujours un peu de distance, pour mieux respecter la liberté profonde nécessaire à cette recherche de Dieu, de la voix de Dieu.
Mais il est vrai à l'inverse, que l'accompagnateur peut devenir un ami. De ces amis qui vous laissent aller avec discrétion et reconnaissance, libres, là où est votre chemin.
 
Jacques Nieuviarts, bibliste, janvier 2005

29 décembre 2013

La réponse catholique face aux scandales de pédophilie

La réponse catholique face aux scandales de pédophilie


10/04/2010



Père Dominique HÉLOU

Face aux scandales de pédophilie qui touchent certains membres du clergé de l'Église catholique, la première chose à faire est de les comprendre à la lumière de notre foi chrétienne. Avant de choisir ses premiers disciples, Jésus passa la nuit à prier. En ce temps-là, il avait beaucoup de gens qui le suivaient. Dans la prière, il parla au Père de ceux qu'il devait choisir comme apôtres.

Et malgré cela, l'un d'entre eux fut un traître. L'un des douze, l'un de ceux qui avaient suivi le Seigneur, à qui Jésus avait lavé les pieds ; l'un de ceux qui l'avaient vu marcher sur les eaux, ressusciter les morts et pardonner les péchés, a trahi le Seigneur. Jésus avait choisi Judas non pas pour qu'il le trahisse, mais pour qu'il soit son témoin comme tous les autres. Mais Judas utilisa sa liberté pour permettre à Satan d'entrer en lui et sa trahison a entraîné la crucifixion du Christ.

Parfois, les élus de Dieu le trahissent. C'est un fait que nous devons assumer. Si les membres de l'Église primitive s'étaient uniquement centrés sur le scandale causé par Judas, l'Église aurait cessé d'exister avant même de commencer à croître. L'Église a compris que l'on ne jugeait pas son message par ceux qui ne le vivent pas, mais par ceux qui le vivent. Au lieu de se centrer sur celui qui avait trahi le Christ, ils se sont centrés sur les onze autres qui, par leur prédication et leur travail, ont permis que nous soyons chrétiens aujourd'hui.

Nous sommes confrontés actuellement au même problème. Nous pouvons nous centrer sur ceux qui trahissent le Seigneur ou focaliser sur ceux qui demeurent fidèles au Seigneur et qui sont infiniment plus nombreux. Ces derniers, évidemment, n'intéressent pas les médias.

L'histoire de l'Église est parsemée de clair-obscur. À des époques où la hiérarchie était au plus bas, Dieu a suscité des saints extraordinaires qui ont su remettre l'Église à flot. En pleine réforme, saint François de Sales, au péril de sa vie, parcourut la Suisse, prêchant l'Évangile avec vérité et amour. Devant ceux qui se scandalisaient de l'attitude de certains prêtres, il disait : « Ceux qui commettent ce type de scandale sont coupables du point de vue spirituel d'un assassinat, détruisant la foi d'autres personnes en Dieu par leur mauvais exemple ; mais je suis ici parmi vous pour vous éviter un mal encore pire. Tandis que ceux qui causent le scandale sont coupables d'assassinat spirituel, ceux qui permettent que ces scandales détruisent leur foi sont coupables de suicide spirituel, en abandonnant la source de vie que sont les sacrements, en particulier l'eucharistie. »

Saint François d'Assise, qui vécut en des temps particulièrement difficiles d'immoralité terrible en Italie centrale, répondit un jour à l'un de ses frères touché par les scandales qui lui avait dit : « Frère François, que feriez-vous si vous saviez que le prêtre qui est en train de célébrer une messe à laquelle vous êtes en train d'assister a trois concubines à ses côtés ? » Réponse : « Lorsque viendra le moment de la sainte communion, j'irai recevoir le Corps très saint de mon Seigneur des mains consacrées du prêtre. » Par cette réplique, il a voulu expliquer clairement que les sacrements ne dépendent pas de la qualité du ministre. De même qu'un médecin cancéreux peut parfaitement donner le remède opportun à ses patients même s'il est personnellement atteint d'un mal plus grand.

Le Christ continue à agir à travers le plus pécheur des prêtres et heureusement qu'il le fait. Les prêtres sont choisis par Dieu parmi les hommes et sont tentés comme n'importe quelle personne. Judas a pu expulser les démons et guérir les malades bien que ses dispositions n'étaient pas des plus droites.

Bien sûr l'Église doit travailler mieux à la sélection des candidats au sacerdoce, mais cela ne suffit pas. Elle doit être plus ferme quant aux cas qui se présentent et s'occuper des victimes, certes, mais cela ne suffit pas.

L'unique réponse adéquate à ce terrible scandale, l'unique réponse authentiquement catholique à ce scandale, est la sainteté. Toutes ces crises qu'affronte l'Église sont une crise de sainteté. La sainteté est cruciale, parce qu'elle est le visage authentique de l'Église. Combien de personnes qui trouvent des excuses à leur tiédeur et à leur négligence, et qui commettent donc un suicide spirituel sous prétexte qu'un prêtre, un religieux ou une religieuse a eu un comportement inacceptable.

Les Béatitudes sont une recette pour la sainteté. Tout le monde est appelé à être saint, pas seulement les prêtres, les religieux et les religieuses. Les scandales doivent être un stimulant pour que nous aspirions de toutes nos forces à la sainteté. C'est une époque où peut s'appliquer la Béatitude : « « Heureux serez-vous lorsqu'on vous insulte, l'on vous persécute et l'on dit toutes sortes de choses fausses contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous car votre récompense sera grande dans les cieux. »

De nos jours, il faut nager à contre-courant et c'est un grand moment pour être témoin du Christ. Que notre seule fierté soit la Croix de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous dit saint Paul. Quelques personnes prédisent que l'Église va passer des temps difficiles, mais ayons confiance, l'Église survivra ; elle a la garantie du Christ. Un jour Napoléon, au sommet de sa gloire, s'adressa au cardinal Consalvi en disant : « Je vais détruire votre Église. » Le cardinal répliqua : « Non, vous ne le pourrez pas. » Napoléon reprit, offusqué, du haut de ses 1 m. 50 : « Je vous le dis, je vais détruire votre Église. » Le cardinal dit avec un sourire : « Non, vous ne le pourrez pas. Nous-mêmes, nous n'y avons pas réussi. »

Si les mauvais papes, les prêtres infidèles et les milliers de pécheurs dans l'Église n'ont pas réussi à la détruire de l'intérieur, personne ne pourra le faire, car le Christ a promis que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. La barque de Pierre ne sombre pas.

Si vous vous méfiez des prêtres à cause des scandales, ne perdez jamais la confiance dans le Seigneur. Il s'agit de Son Église. Judas a été remplacé et l'Église a poursuivi son chemin et sa mission. Alors, concentrons-nous sur la sainteté. Voici la clé et le remède à tous les maux. Des grands maux, Dieu tire un bien encore plus grand. Compensons par notre amour le manque d'amour que nous constatons chez les autres. Il est temps que les vrais hommes et les vraies femmes de l'Église se manifestent. Il est temps de prendre résolument le chemin de la sainteté. Alors, à nous de jouer.

28 décembre 2013

Prière pour une guérison intérieure

Père Saint par le nom de Jésus, vainqueur de toutes les forces du mal, par l'intercession de Marie, la Vierge Immaculée, victorieuse du malin, par mon baptême qui fait de moi ton enfant bien-aimé, viens en ce moment me guérir et me délivrer de tout mal, de toute entrave à l'amour dont tu veux me combler. Actualise en moi l'action de ton Esprit de liberté et de paix.

Guéris-moi dans mon intelligence de toutes ténèbres, de tout préjugé, esprit raisonneur, doute, de la confusion mentale. Guéris-moi dans ma mémoire de tout souvenir douloureux, traumatisme psychologique, remontant au sein de ma mère et à chaque étape de ma vie: tendre enfance, enfance, adolescence, âge adulte.

Guéris-moi dans mon imagination de tout idéalisme rêveur, de la fuite du réel, de toute fantaisie maladive, illusion, hallucination, délire. Guéris-moi dans mon cœur de toutes blessures, de tout centrement et apitoiement sur moi-même, de toute fermeture et dureté, du refus de pardonner, du ressentiment, des soupçons malveillants.

Guéris-moi dans ma volonté de toute domination étrangère, tentation, obsession oppression, possession, envoûtement, hypnose, du volontarisme orgueilleux, de toute faiblesse, indécision, déviation.

Guéris-moi de tout déséquilibre dans ma sensibilité, mon affectivité, mon émotivité, ma sexualité, de tout sentiment de rejet, de honte, de culpabilité persistante, du complexe d'infériorité, de la timidité, de toute anxiété, inquiétude, peur de la solitude, de l'insomnie, de la tristesse, du dégoût de la vie, des idées suicidaires, de tout asservissement à la drogue, à l'alcool, de toute attache matérielle.

Guéris-moi de toute déviation venant de l'hérédité, de l'éducation première, des pressions exercées sur moi dans mon milieu familial, scolaire, communautaire, social, ecclésial, de tout événement passé qui aurait brimé ma liberté intérieure.

Guéris-moi de tout ce que mon Être a subi de négatif, de pénible, qui a été refoulé dans mon inconscient ou mon subconscient.

Père de miséricorde, donne-moi de porter les fruits d'une conversion véritable et de trouver la liberté à faire Ta volonté.

Seigneur Jésus, Agneau de Dieu, purifie tout mon Être dans Ton sang et exerce Ta Seigneurie sur tous les domaines de ma personne.

Marie, Mère de Dieu et ma Mère, apprends-moi à toujours dire un oui inconditionnel et total à l'amour comme Toi.

Amen.

27 décembre 2013

Le démon par Thérèse d'Avila


Extrait du livre La vie de Thérèse d’Avila ch. 25
(…)
Autres signes de l'action du démon. Tous les biens semblent se cacher et s'enfuir de l'âme; le dégoût et le trouble s'emparent d'elle; aucun bon effet n'est produit. L'ennemi semble inspirer des désirs, mais ils sont sans vigueur; l'humilité qu'il laisse est fausse, inquiète et sans douceur. Tout cela, je crois, sera compris d'une âme qui aura éprouvé les effets du bon esprit. Néanmoins, le démon peut en cette matière nous tendre bien des pièges. Aussi, il n'y a pas sur ce point de faveur si assurée, qu'il ne soit plus sûr encore de craindre, de nous tenir sur nos gardes, et d'avoir un maître éclairé auquel notre âme soit entièrement ouverte. Avec de telles précautions, il ne peut nous arriver aucun mal.

Quant à moi, j'ai eu beaucoup à souffrir des craintes excessives de certaines personnes, surtout dans la circonstance que je vais rapporter. Plusieurs d'entre elles à qui, pour de bons motifs, j'accordais pleine confiance, s'étaient assemblées à mon occasion. Je ne m'ouvrais d'ordinaire qu'à mon confesseur; cependant, sur son ordre, je parlais aussi quelquefois à d'autres. Ceux-ci avaient pour moi beaucoup de dévouement, et craignaient que je ne fusse trompée par le démon. Je le craignais extrêmement aussi quand j'étais hors de l'oraison; car, pendant l'oraison même, Notre Seigneur, en m'accordant quelque grâce, daignait me rassurer. Je crois qu'ils étaient cinq ou six, tous grands serviteurs de Dieu. Mon confesseur me déclara qu'ils prononçaient tous, d'un commun accord, que ce que j'éprouvais venait du démon; ainsi, d'après eux, je devais communier plus rarement, et me distraire de manière à éviter la solitude. J'étais craintive à l'excès; les souffrances du cœur auxquelles j'étais sujette contribuaient encore à augmenter cette disposition, de sorte que souvent, même en plein jour, je n'osais rester seule. Voyant des hommes d'un tel mérite affirmer ce que je ne pouvais croire, j'en concevais un très grand scrupule, dans la pensée que cela venait de mon peu d'humilité. Ils étaient tous en effet, sans comparaison, d'une vie plus édifiante que la mienne, et ils avaient la science pour eux: pourquoi ne pas les croire? Je faisais tous mes efforts pour cela; je me représentais les infidélités de ma vie, et à cette vue, j'essayais de me persuader qu'ils disaient vrai.

Un jour, sous l'empire de cette affliction, je quittai l'église, et je vins me réfugier dans un oratoire de notre monastère. Je m'étais privée pendant plusieurs jours de la communion et de la solitude, qui étaient toute ma consolation. Je n'avais personne avec qui je pusse communiquer; car tout le monde était contre moi. Les uns souriaient, ce semble, de pitié en écoutant ce que je disais, le regardant comme le fruit de l'illusion; les autres avertissaient mon confesseur de se tenir en garde contre moi; d'autres enfin disaient que l'action du démon était manifeste. Seul, mon confesseur, tout en suivant leur avis pour m'éprouver, comme je l'ai su depuis, me consolait toujours. Il me disait que quand bien même ce serait le démon, dès que j'étais fidèle à ne point offenser Dieu, il ne pouvait me nuire; qu'au reste, l'épreuve passerait, et que je devais le demander instamment à Dieu. De son côté, il sollicitait avec ardeur cette grâce pour moi. Les personnes qu'il confessait, plusieurs autres encore, unissaient leurs prières aux siennes dans le même but. Toutes mes oraisons d'ailleurs, et toutes celles des âmes que je savais amies de Dieu, ne tendaient qu'à obtenir de sa divine Majesté qu'il lui plût de me conduire par un autre chemin. Pendant deux ans, ce me semble, nos prières ne cessèrent de monter vers le ciel. Toutefois, nulle consolation ne m'enlevait la peine où me jetait la pensée seule que le démon pouvait m'adresser si souvent la parole. Car, depuis que je n'avais plus mes heures de solitude pour prier, Notre Seigneur ne laissait pas de me faire entrer dans le recueillement au milieu même des conversations; il me disait ce qu'il jugeait à propos, et malgré toutes mes résistances, il me forçait à l'entendre.

Étant donc seule dans cet oratoire, loin de toute personne qui pût me consoler, incapable soit de prier, soit de lire, brisée par la tribulation, tremblant d'être dans l'illusion, accablée de tristesse et de trouble, je ne savais plus que devenir. Cette douleur, que j'avais tant de fois ressentie, n'était jamais, ce me semble, arrivée à cette extrémité. Je restai ainsi quatre ou cinq heures, ne recevant aucune consolation ni du Ciel ni de la terre. Le Seigneur me laissait dans la souffrance et en proie à l'appréhension de mille dangers.

O Seigneur de mon âme! comme vous montrez bien que vous êtes l'ami véritable! Étant tout-puissant, quand vous voulez, vous pouvez. Jamais vous ne cessez d'aimer, si l'on vous aime. Que toutes les créatures vous louent, ô Maître du monde! Et qui me donnera une voix assez forte pour faire entendre partout combien vous êtes fidèle à vos amis? Tous les appuis d'ici-bas peuvent nous manquer; mais vous, Seigneur de toutes choses, vous ne nous manquez jamais. Qu'elle est petite la part de souffrance que vous faites à ceux qui vous aiment! O mon Maître, avec quelle délicatesse, quelle amabilité, quelle douceur, vous savez agir à leur égard! Trop heureux celui qui n'aurait jamais aimé que vous! Il semble, Seigneur, que vous éprouvez avec rigueur ceux qui vous aiment, afin que, dans l'excès de l'épreuve, se révèle l'excès plus grand encore de votre amour. O mon Dieu! Que n'ai-je assez de talent, assez de science et des paroles toutes nouvelles, pour exalter aussi bien que je les comprends les merveilles de vos œuvres! Tout me manque pour cela, mon divin Maître! mais du moins, pourvu que votre main me protège, je ne vous abandonnerai jamais. Que tous les savants s'élèvent contre moi, que toutes les créatures me persécutent, que les démons me tourmentent: si vous êtes avec moi, je ne crains rien. Je sais maintenant par expérience, avec quel avantage vous faites sortir de l'épreuve ceux qui ne mettent leur confiance qu'en vous seul.

Tandis que j'étais dans l'extrême affliction que je viens de dire, et quoique à cette époque je n'eusse point encore eu de visions, ces paroles que j'entendis suffirent seules pour m'enlever toute ma peine, et faire naître en mon âme un calme parfait: « N'aie point de peur, ma fille, car c'est moi; je ne t'abandonnerai point, bannis toute crainte ». 

Dans l'état où j'étais, j'aurais cru que, même en employant de longues heures à ramener la paix dans mon âme, nul n'aurait pu y réussir. Et voilà qu'à ces seules paroles, je sentis renaître la sérénité; je retrouvai la force, le courage, l'assurance, la paix, la lumière; en un instant j'avais été si complètement changée, que j'aurais soutenu contre le monde entier que ces paroles venaient de Dieu. Oh! quelle bonté en ce Dieu! quel bon Maître! et qu'il est puissant! Non seulement il donne le conseil, mais encore le remède; ses paroles opèrent ce qu'elles expriment. Comme il fortifie notre foi et augmente notre amour!

Souvent, en pareille occasion, j'aimais à me rappeler cette tempête que Notre Seigneur apaisa soudain en commandant aux vents de laisser la mer tranquille, et je disais: Quel est celui auquel obéissent ainsi toutes les puissances de mon âme, qui en un instant fait briller la lumière au sein d'une obscurité si profonde, qui attendrit un cœur dur comme le rocher, et qui arrose de l'eau rafraîchissante des larmes une terre que devait, ce semble, désoler une longue sécheresse? Quel est celui qui allume ces désirs? Qui me donne ce courage? Car voici les pensées qui s'élevaient alors dans mon âme: De quoi ai-je peur? Qu'est-ce donc? Je veux servir ce Maître; je n'aspire qu'à le contenter; je mets dans l'accomplissement de sa volonté toute ma joie, tout mon repos et tout mon bonheur. Ce sont là mes sentiments, il me semble en être sûre et pouvoir l'affirmer. Si donc ce Seigneur est tout-puissant, comme je le vois, si les démons sont ses esclaves, comme la foi m'en donne la certitude, quel mal peuvent-ils me faire, à moi, la servante de ce Seigneur et de ce Monarque? Pourquoi n'aurais-je pas la force de combattre contre tout l'enfer? Je prenais en main une croix, et il me semblait vraiment, tant était grand le changement soudainement opéré en moi, que Dieu me donnait assez de courage pour en venir aux mains avec tous les démons réunis; je sentais qu'avec cette croix je les aurais facilement vaincus. Ainsi je leur disais: Maintenant, venez tous; étant la servante du Seigneur, je veux voir ce que vous pouvez me faire.

Il est certain qu'ils avaient peur de moi: de mon côté, au contraire, je demeurai si tranquille, et je les redoutai si peu, que toutes mes appréhensions s'évanouirent. Ils m'ont quelquefois apparu, il est vrai, comme on le verra par mon récit; mais ils ne m'inspiraient presque aucune crainte, ils semblaient plutôt saisis d'effroi à mon aspect. Par un don du souverain Maître, j'ai gardé sur eux un tel empire, que je n'en fais pas plus de cas que de mouches. Je les trouve pleins de lâcheté: dès qu'on les méprise, tout courage les abandonne. Ils ne savent attaquer que ceux qu'ils voient se rendre à discrétion. Et si Dieu leur permet de tenter et de tourmenter quelques-uns de ses serviteurs, ce n'est que pour un plus grand bien. Plaise à sa Majesté de nous faire la grâce de ne craindre que ce qui doit réellement nous inspirer de la crainte, et d'être bien convaincus de cette vérité, qu'un seul péché véniel peut nous faire plus de mal que tout l'enfer ensemble!

Si ces esprits pervers nous épouvantent, c'est parce que nous leur donnons volontairement prise sur nous, par notre attachement aux honneurs, aux biens, aux plaisirs. Nous voyant aimer et rechercher ce que nous devrions avoir en horreur, ils conspirent avec nous contre nous-mêmes, et ils peuvent ainsi nous causer beaucoup de mal. Nous leur mettons en main les armes mêmes avec lesquelles nous devrions nous défendre. C'est là ce qu'on ne saurait assez déplorer.

Mais si au contraire, par amour pour Dieu, nous avons en horreur les faux biens de ce monde; si nous embrassons la croix; si nous sommes résolus à servir vraiment le Seigneur; le démon, en présence de telles dispositions, prend la fuite comme devant la peste. Ami du mensonge, et le mensonge même, il ne fera point de pacte avec quiconque marche dans la vérité. Mais s'aperçoit-t-il que l'entendement de quelqu'un est obscurci, il travaille avec adresse à éteindre en lui un reste de lumière; et dès qu'il le voit assez aveugle pour mettre son repos dans ces vanités du monde, non moins futiles que des hochets d'enfant, il sent bien que ce n'est là qu'un enfant; il le traite donc comme tel, et lui livre hardiment combat sur combat.

Daigne le Seigneur m'accorder la grâce de n'être pas du nombre de ces infortunés, de toujours regarder comme repos ce qui est repos, comme honneur ce qui est honneur, comme plaisir ce qui est plaisir, et de ne pas faire le contraire! Alors je me moquerai de tous les démons, et ce seront eux qui auront peur de moi. Je ne comprends pas ces craintes qui nous font dire: le démon, le démon, quand nous pouvons dire: Dieu, Dieu, et faire ainsi trembler notre ennemi. Et ne savons-nous pas qu'il ne peut faire le moindre mouvement, si le Seigneur ne le lui permet? Que signifient donc toutes ces terreurs? Quant à moi, c'est certain, je redoute bien plus ceux qui craignent tant le démon, que le démon lui-même. Car pour lui, il ne saurait me faire de mal, tandis que les autres, surtout s'ils sont confesseurs, jettent l'âme dans de cruelles inquiétudes. J'ai tant souffert pour ma part pendant quelques années, que je m'étonne maintenant d'avoir pu y résister. Béni soit le Seigneur, qui m'a tendu une main si secourable !

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26 décembre 2013

Réflexion sur le sacrement de réconciliation (texte du cardinal Martini)



Se confesser : les conseils du cardinal MartiniExtrait du livre : «Et Moi, Je Suis avec Vous» p. 76-79. (Vie chrétienne 1996)

Nous sommes tous conscients qu’il y a actuellement dans l’Église, une crise de la pénitence. On dit que les confessionnaux sont vides, mais ils le sont des deux côtés, soit parce que les fidèles manquent, soit parce que les prêtres n’y entrent plus. Fut un temps où le prêtre attendait des heures et des heures, ensuite, il pouvait ne pas se sentir coupable si les gens ne se confessaient pas. Maintenant, on en parle beaucoup, mais personne ne vient. Il y a donc un éloignement progressif, pas toujours à cause des fidèles ; en fait, même des prêtres font souvent comprendre, plus ou moins explicitement, qu’il vaut mieux espacer les visites.


Tout cela est peut-être utile ; c’est une crise salutaire car elle naît du refus d’un formalisme excessif dans la façon de recevoir et de donner le sacrement de pénitence qui, à la fin, dégoûtait aussi bien le prêtre que le fidèle, bien que certains, héroïquement, gardent cette habitude de la confession fréquente. Nous sommes dans cette situation et l’Église est à la recherche de nouvelles voies pénitentielles. Il me semble que c’est une purification juste, un effort louable que d’abandonner une pratique purement formelle.



Évidemment, on risque aussi de perdre un point essentiel de la pédagogie de l’Église, une dimension essentielle de notre vie de baptisés. Celle-ci est une vie de pécheurs qui, confiés à la miséricorde, parcourent un chemin vers la Résurrection définitive. Par conséquent, le mystère de la pénitence est à l’œuvre en nous, et dire que nous n’en avons pas besoin serait nous mettre en dehors de la réalité. Certes, si l’effort de sortir du formalisme nous portait à abandonner la pratique pénitentielle de l’Église, ce serait un très grand mal : nous ne serions plus dans la vérité devant Dieu ni devant nos frères.


De la confession au dialogue pénitentiel

Je ne veux pas ici faire une étude pastorale, mais simplement faire une suggestion à ceux qui ont peut-être, à un moment donné, espacé de plus en plus leurs confessions sans réussir à bien en analyser le pourquoi et sont dans l’incapacité de reprendre une pratique désormais formelle, à cause d’un certain malaise intérieur. Je voudrais proposer une suggestion uniquement parce qu’elle m’a été utile. Chacun offre ce qu’il a expérimenté de positif. Je me suis demandé, ou le Seigneur m’a inspiré de me demander, lorsqu’une confession courte et faite à la hâte me pesait, pourquoi ne pas essayer de la faire plus longue et avec plus de calme. Cela a l’air d’un paradoxe, mais parfois, même les paradoxes aident à sortir de situations bloquées. Alors, avec l’aide de quelqu’un d’autre, je suis passé de la confession à ce que j’appellerais un dialogue pénitentiel. Ce dialogue, d’ailleurs, ne fait que développer les indications données par la dernière révision du rite pénitentiel, publiée par le Saint Siège et appliquée par les Conférences épiscopales, qui élargit grandement la possibilité d’y insérer prière et lecture de l’Écriture Sainte.



Il me semble qu’il s’agit avant tout d’un dialogue avec un frère qui représente l’Église, donc un prêtre, en qui je vois un représentant direct de Dieu ; un dialogue fait en priant ensemble, dans lequel je présente ce que je sens en moi, en ce moment ; je me présente tel que je suis, devant l’Église et devant Dieu.


Reconnaître la miséricorde de Dieu

À mon avis, ce dialogue comporte essentiellement deux parties : la première, que j’appelle «confessio laudis», c’est-à-dire confession d’après le sens primitif du terme. Là aussi, on peut partir d’un paradoxe : s’il est chaque fois pénible et si difficile de dire mes péchés, pourquoi ne pas commencer par les bonnes actions ?



Saint Ignace lui-même le suggérait dans les Exercices, prenant comme premier point l’action de grâce : Seigneur, je veux d’abord te remercier parce que tu m’as aidé, telle chose a eu lieu, j’ai pu me rapprocher de telle personne, je me sens plus serein, j’ai dépassé un moment difficile, j’ai pu mieux prier. Remercier Dieu de ce que je suis, de son don, sous forme de dialogue, de prière de louange ; reconnaître ce qui maintenant, devant Dieu, me donne de la joie : je suis content de telle ou telle chose, passée ou présente. Il est important que ces choses émergent devant le Seigneur : la reconnaissance de sa bonté pour nous, de sa puissance, de sa miséricorde.



Cela fait, on peut passer à une «confessio vitae» que je définirais comme ceci : plus qu’une recherche et une énumération de péchés formels, c’est dire devant Dieu ce qui maintenant me met mal à l’aise, ce que je voudrais faire disparaître. Souvent, ce sont des attitudes, des façons d’être, plus que des péchés formels, mais au fond, les causes sont les douze attitudes que répertorie saint Marc : orgueil, envie, cupidité… qui émergent dans ces états d’âme.



Ou bien, je dirai devant Dieu : je regrette de ne pas pouvoir parler sincèrement avec telle personne, mon rapport n’est pas authentique avec tel groupe, je ne sais pas par où commencer. Je regrette de ne pas réussir à prier, je me sens mal à l’aise d’être pris par ma sensualité, par des désirs que je ne voudrais pas avoir, des fantasmes qui me troublent. Je ne m’accuse peut-être d’aucun péché en particulier, mais je me mets devant le Seigneur et lui demande qu’il me guérisse.



Il ne s’agit vraiment pas de mettre sur la table trois ou quatre péchés, pour qu’ils soient annulés, mais d’une immersion baptismale dans la puissance de l’Esprit : Seigneur, purifie-moi, éclaire-moi, illumine-moi. Je ne demande pas seulement, dans cette confession, que soit annulé tel ou tel péché, mais que mon cœur soit changé, qu’il y ait en moi moins de lourdeur, moins de tristesse, moins de scepticisme, moins d’orgueil. Je ne sais peut-être même pas par où commencer, mais je mets tout cela dans la puissance du Crucifié et du Ressuscité par la puissance de l’Église.


Une prière qui donne joie et paix

De là naît une prière qui peut être faite avec le prêtre : on peut réciter un Psaume, une prière de la Bible, de remerciement ou de demande, ou même, une prière spontanée sur laquelle une absolution sacramentelle vient comme la manifestation de la puissance de Dieu que je demande parce que je ne suis pas capable de m’améliorer tout seul. Je me remets une fois encore sous la Croix, sous cette puissance qui m’a baptisé pour qu’une fois encore elle me reprenne en main.



Voilà ce que j’entends par dialogue pénitentiel ; ce n’est pas simplement un dialogue psychologique, ou une sorte de thérapie.



Il n’est pas nécessaire que le confesseur me révèle les sources secrètes de mes fautes ; cela pourrait aussi avoir lieu avec un spécialiste du cœur humain, mais même si le confesseur est une personne qui ne sait pas grand chose du cœur humain, il peut toujours prier pour moi, sur moi et avec moi.Il s’agit de se soumettre à la puissance de l’Église, et donc de retrouver la valeur du sacrement : je vais me confesser non pour sentir des choses intéressantes, ou pour voir quel conseil on me donne, mais parce que c’est moi qui dois me soumettre à la puissance de Dieu et cela me suffit, me donne joie et paix.



C’est donc, avec de nombreuses variantes possibles, une suggestion que je souhaitais vous donner. Il est clair que, de cette façon, la confession peut durer longtemps, mais on l’affronte plus volontiers car l’on voit ce qu’elle signifie dans son chemin vers Dieu. À chacun d’entre vous, le Seigneur aura probablement suggéré d’autres formes qui pourront aussi être communiquées utilement en tant qu’expériences, car elles pourront en aider d’autres.


Cardinal Carlo Maria Martini, s.j., archevêque émérite de Milan.

24 décembre 2013

Réflexion sur la nouvelle théologie

Il y a une tendance actuellement dans l'Église à diluer le message de l'Évangile dans le but de le rendre plus accessible à certaines gens plus ou moins incrédules.

De plus en plus, et ce, même en chaire, on laisse sous-entendre que certains événements ne se seraient peut-être pas déroulés exactement comme ils sont rapportés; que Jésus n'aurait peut-être pas fait ceci ou cela comme marcher sur les eaux ou calmer la tempête; que ce serait des allégories, des symboles pour nous faire comprendre ceci ou cela.

Je veux bien qu'il puisse y avoir différentes interprétations de certains textes, mais est-il vraiment nécessaire de créer un doute sur la véracité des faits rapportés?

Le danger serait de croire, que si certains événements ne sont que des allégories alors, pourquoi en serait-il autrement pour la Résurrection?

La nouvelle théologie ne va tout de même pas jusque-là, mais j'aimerais bien connaître comment elle s'y prend pour déterminer que tel événement est une allégorie et l'autre, non. Où est la ligne, la mesure permettant de distinguer entre les deux?

Personnellement, si je crois que Dieu a créé le ciel, la terre, l'être humain et que Jésus a ressuscité, alors où est le problème pour moi de croire qu'il a aussi marché sur les eaux et apaisé la tempête?

Au risque de paraître naïf aux yeux des hommes, je préfère croire le sens littéral des Évangiles, que de croire en des allégories et de découvrir en présence de Dieu qu'elles n’en étaient pas.

D'ailleurs, qui suis-je pour oser prétendre que Jésus n'a pas fait ceci ou cela ou qu'il n'a pu faire ceci ou cela?

À vouloir faire plaisir à tout le monde, on finira par déplaire à tous et surtout à créer le doute.

Laissons à chacun la liberté de découvrir par lui-même et avec l'aide de l'Esprit-Saint ce que les Écritures veulent dire pour lui aujourd'hui dans sa propre vie.

C'est ce que je nous souhaite.

Robert

22 décembre 2013

Réflexion sur la réincarnation

Plusieurs chrétiens sont de plus en plus attirés par la croyance en la réincarnation causant à certains un tiraillement intérieur entre ce concept et les enseignements de leur religion.

Qu'est-ce que la réincarnation?

La réincarnation est, selon les religions orientales notamment l'hindouisme et le bouddhisme, la croyance selon laquelle notre esprit s'incarnerait à plusieurs reprises lors de multiples vies ici sur terre.

Malgré la croyance populaire, la réincarnation ne se ferait jamais dans une forme inférieure (animale), mais toujours dans une forme égale ou supérieure à celle déjà atteinte.

Le but de ces multiples incarnations serait de permettre à l'esprit d'atteindre un niveau suffisamment élevé d'illumination afin de se libérer de la roue des incarnations successives.

Cette croyance est intimement liée à celle du karma selon laquelle toutes les bonnes actions posées dans une vie engendreraient un bon karma c'est-à-dire auraient des conséquences positives dans une vie future alors que toutes les mauvaises actions engendreraient un mauvais karma lors d'une prochaine vie.

Je suis toujours très étonné de constater que ceux qui croient à la réincarnation semblent consacrer beaucoup de temps et d'énergie à chercher les causes de leurs souffrances dans une ou des vies antérieures dont ils ne connaissent rien plutôt que d'en chercher les causes dans leur vécu humain actuel.

En posant leur regard sur un passé lointain, ne courent-ils pas le risque de passer à côté de leur vie présente en ne vivant pas le moment présent ici et maintenant, première clé du bonheur?

Je suis bien conscient que ces deux concepts de réincarnation et de karma sont beaucoup plus complexes que l'explication que j'en donne ci-dessus, mais le but de ce texte n'est pas d'en faire une explication exhaustive, mais plutôt de comparer deux écoles de pensée.

Heureusement, le Dieu des chrétiens en est un d'Amour et non de connaissance.

Que la réincarnation existe ou pas, est-ce vraiment si important?

Pour les Orientaux, le but de la vie est de s'améliorer constamment afin de pouvoir se fondre en Dieu à la suite d'incarnations successives. Sans rédempteur, l'homme est laissé à lui-même pour assurer son salut d'où la nécessité de plusieurs incarnations. 

Pour les chrétiens, le but de la vie est d'accepter le Christ comme sauveur afin de retrouver notre état d'avant le péché originel soit d'enfant de Dieu créé à son image et à sa ressemblance et de vivre une relation d'amour intime et personnelle à Dieu.

Donc, le but de l'existence dans les deux cas serait sensiblement le même soit de se rapprocher de Dieu.

La principale différence serait, à mon avis, que le but du cheminement de l'être humain pour les Orientaux serait de disparaître en Dieu, de se fondre en Dieu tandis que pour les chrétiens le but est de vivre une relation filiale à Dieu-Père. On ne disparaît pas en Dieu. Notre Être unique créé par Dieu continue à exister avec et devant Lui dans une relation libre et proche (l'Éden retrouvé).

Dans la réincarnation, ce qui est attrayant pour certains, est qu'ils ont plusieurs chances pour se réaliser alors qu'avec le christianisme ils en auraient qu'une.

Moi, personnellement, en tant que chrétien, je ne crois pas qu'après ma mort je cesse de cheminer. Au contraire, je sens que je serai tracté par l'Amour de Dieu pour l'éternité ou jusqu'à je sois suffisamment sanctifié pour vivre une relation d'amour filial libre et proche au Père.

Je terminerai en disant que, pour moi, que la réincarnation existe ou n'existe pas ne change rien à ma vie d'aujourd'hui dont le but est de m'améliorer comme être humain en acceptant Christ comme celui qui me sauve du péché originel et qui me redonne mon état d'enfant de Dieu.

C'est ce que je nous souhaite.

Robert

20 décembre 2013

Le prêtre n'est pas un fonctionnaire

Au 6e symposium du clergé du Portugal

ROME, Jeudi 10 Septembre 2009 (ZENIT.org) - Au cours du 6e symposium du clergé du Portugal consacré au thème « Ravive le don qui est en toi », le cardinal Cláudio Hummes, préfet de la Congrégation pour le clergé, a mis les prêtres en garde contre une tendance à transformer leur ministère sacerdotal en « une espèce de profession ecclésiastique qu'ils exécutent comme des fonctionnaires ». Cette tendance vient, selon le cardinal, d'une rencontre « insuffisante et superficielle » avec le Christ.

Le cardinal Hummes a invité les quelque 800 prêtres présents pour ces 4 jours de symposium à être missionnaires et à nourrir leur spiritualité quotidiennement, en maintenant « un contact assidu avec la Parole de Dieu, à vivre une vie de prière qui inclut la liturgie des heures et la dévotion mariale, à célébrer quotidiennement l'Eucharistie (...), à recourir régulièrement au sacrement de la confession », a rapporté L'Osservatore Romano le 10 septembre.

Le prêtre doit « vivre en communion ecclésiale avec le pape, l'évêque et les prêtres, se consacrer totalement et infatigablement à son ministère pastoral à la mission et l'évangélisation, être un homme charitable, fraternel, bon et miséricordieux avec tous, solidaire avec les pauvres... », a-t-il ajouté.

Le haut prélat a par ailleurs dénoncé la culture actuelle qui « encourage une déchristianisation, visible dans la majeure partie des pays chrétiens, particulièrement en Occident ». Dans ce contexte, a affirmé le cardinal Hummes, le nombre des vocations et des prêtres « s'est réduit de manière drastique », notamment à cause de « l'influence de l'environnement culturel ».

« Nous ne devons pas nous décourager ni avoir peur de la société actuelle », a-t-il ajouté en condamnant un « nouveau paganisme ».

Enfin, la déclaration finale du Symposium invite à créer « une culture de la formation permanente dans l'Eglise ». Ou la vie du prêtre est une « formation permanente », ou elle est une « frustration permanente, répétitive, négligence générale, inertie, apathie, perte de crédibilité, inefficacité apostolique », souligne le document.

18 décembre 2013

Réflexion sur la fermeture de paroisses

Même si l’évêque seul a le pouvoir de regrouper ou même de fermer des paroisses, une décision prise unilatéralement en haut-lieu sans aucune consultation ni implication de la base produit rarement de bons résultats. De telles décisions ne devraient être prises qu’en dernier recours et seulement après avoir fait preuve de beaucoup de créativité et en ayant examiné toutes les autres solutions possibles. D’ailleurs, une plus grande collaboration entre les paroisses serait certainement possible sans qu’il y ait regroupement.

De plus, je suis perplexe face à la raison principale énoncée souvent comme justification des regroupements, soit la pénurie de prêtres.

Si tel est le cas, avant de procéder à des regroupements ou à des fermetures, n’y aurait-il pas lieu que les prêtres deviennent de plus en plus des pasteurs plutôt que des gestionnaires en se départissant complètement des tâches administratives et en les confiant à des laïc(que)s?

N’est-il pas ironique que, jadis, les prêtres étaient tenus de célébrer la messe quotidiennement alors qu’ils ne le sont plus aujourd’hui? Ne faudrait-il pas ramener cette coutume pour pallier à la pénurie de célébrants?

N’y aurait-il pas lieu que tous les prêtres, peu importe leur rang, prennent part plus activement aux célébrations dominicales et aux cérémonies sur semaine afin d’assister les autres prêtres?

N’y aurait-il pas lieu de former plus de laïc(que)s pour assister les prêtres dans leur rôle de pasteur le dimanche et sur semaine pour les A.D.A.C.E. et pour d’autres cérémonies religieuses ne requérant pas obligatoirement la présence d’un prêtre?

Quant à la seconde raison souvent évoquée soit celle du manque d’intérêt des paroissiens, n’est-il pas justement la conséquence du peu d’importance qu’on accorde à leur opinion ainsi que du peu de confiance qu’on leur a fait par le passé en ne leur confiant que des tâches secondaires plutôt que des rôles importants dans l’Église?

Dans ce projet de regroupement, j’ose espérer qu’une attention particulière sera accordée aux besoins spirituels des paroissiens tout spécialement à ceux des personnes âgées pour qui leur église est souvent le seul endroit propice au recueillement leur permettant d’affronter l’inévitable avec dignité et sérénité.

Robert

16 décembre 2013

L'enfant et le caillou (Conte)

Jean, un enfant de cinq ans, était assis à l'écart, la tête entre les deux mains et regardait des enfants jouer au loin se demandant ce qui le différenciait des autres. Il sentait cette différence jusqu'au tréfonds de lui sans pouvoir la nommer. Il avait tout simplement perdu sa joie de vivre, il était déjà mort à cinq ans.

D'un pas nonchalant, il marchait distraitement le long d'un sentier ne menant nulle part. Entouré d'herbes presque aussi hautes que lui, il crut distinguer au loin un scintillement. Curieux, mais sans hâte, sautant à l'occasion pour mieux apercevoir cette lueur qui semblait disparaître et, soudain, réapparaître, il se fraya un chemin jusqu'à elle.

Stupéfait, n'en croyant pas ses yeux, il aperçut un diamant de la grosseur de son poing.
S'en approchant lentement, comme s'il avait peur qu'il se sauve de lui, les yeux grands ouverts, la bouche bée, il le saisit avec tout le respect dont il était capable. Il s'assit de longues minutes le contemplant avec émerveillement et sentait une chaleur nouvelle montée en lui.

La joie l'emportant, il partit en courant à toutes jambes vers le village tenant bien serré à deux mains la pierre précieuse contre sa poitrine criant à qui voulait bien l'entendre:
"J'ai trouvé un diamant."

Entrant en trombe à la maison, tout haletant, tombant presque aux pieds de sa mère, il dit: "Maman, regarde ce que j'ai trouvé! Regarde! C'est un diamant!"

Sa mère, éclatant de rire, lui répondit:
- "Pauvre Jean. Tu es toujours aussi rêveur. Mais, ce n'est qu'un vulgaire caillou.
- Mais non maman, regarde, regarde encore… c'est un diamant.
- Bon assez, lui répondit-elle. Cesse tes balivernes et va jouer avec tes camarades. "

À ce moment, le père entrait à la maison retournant du travail
- "Papa, regarde ce que j'ai trouvé, dit Jean d'un ton suppliant.
- Ah, le beau caillou, " répondit le père s'affaissant sur sa chaise préférée.

Jean, la mort dans l'âme, n'en croyait pas ses oreilles.
"Qu'ils sont bêtes ces adultes, pensa-t-il, ils ne savent pas reconnaître un vrai diamant."

Ce soir-là, il se coucha avec une douce tristesse, mais résolu à garder sa trouvaille quand même.

Le lendemain, la pierre à la main, il se promena dans son village la montrant aux passants sans dire un mot. Les uns le regardaient distraitement, les autres n'y prêtaient guère attention et d'autres le regardaient avec amusement.

L'air renfrogné, Jean sentait une colère monter, une colère envers lui-même et un embarras, car plus qu'il regardait son diamant, plus qu'il ressemblait à un vieux caillou. N'en pouvant plus, il retourna dans le champ et lança de toutes ses forces la pierre au bout de ses bras.

Cependant, chaque soir, avant de s'endormir, il revoyait son diamant, ce diamant si pur qu'il en sortait une lumière blanche, une lumière qui l'avait réchauffé jusqu'au fonds de son être, qui en l'espace de quelques instants avait soulevé le voile sombre qui enveloppait sa vie et lui avait fait miroiter un monde meilleur.

Les semaines, les mois, les années passèrent et Jean évitait de retourner dans ce sentier qui l'avait amené à sa découverte. Puis, avec le temps, il y retourna sans chercher, ne se souvenant presque plus de cet incident jusqu'au jour où il trébucha sur un gros caillou. En tombant par terre, il entendit des éclats de rire. Un garçon nommé Michel, tentant d'étouffer son rire, lui dit:
- "Tu as trébuché sur mon diamant"

Jean, regardant tour à tour le caillou et le garçon, lui dit hésitant:
- "Mais…ce n'est pas un diamant, …ce n'est qu'un caillou…. "

Michel lui répondit:

- "Tu as cru les autres n'est-ce pas? Eh bien non, c'est un diamant, c'est le mien."


Et toi, as-tu retrouvé le tien?

Robert

14 décembre 2013

Comment gérer son quotidien

- Le matin, au réveil, ne pas laisser le mental prendre le contrôle de sa journée.

- Prière à genoux

- Habiter ses moindres gestes

- Ne pas laisser seulement les activités meubler sa journée

- Se réserver des temps de silence juste à écouter, à réfléchir, à méditer ou à prier.

- Se réserver des temps pour écrire, pour lire

- Marche quotidienne

- Chasser les intrus en soi : démasquer les mécanismes, décrocher mentalement des autres, de leur pensée sur soi et cesser de se responsabiliser pour les autres.

- Décider en choisissant ce qui est constructif pour soi; ne pas laisser les évènements ou les personnes choisir pour soi.

- Favoriser les relations vitalisantes : rencontrer des gens en contact avec leur Vie.

12 décembre 2013

Qui était l'homme du Saint-Suaire?


Emanuela Marinelli explique pourquoi cet homme ne pouvait être que Jésus

ROME, Jeudi 28 mai 2009 (ZENIT.org) - Un drap jauni par le temps interroge depuis des siècle les hommes. Pour certains, c'est dans cette toile que Jésus fut enveloppé tout de suite après sa mort en croix, pour d'autres, c'est un faux pour alimenter la dévotion chrétienne.

Le tissu a enveloppé un cadavre malmené, faisant apparaître clairement des taches de sang et l'image frontale et dorsale d'un corps, dont l'impression reste un mystère.

Une image qui s'est estompée mais qui demeure tout aussi riche de détails impressionnants qui permettent de reconstituer les dernières heures de ce défunt auquel est attribué une identité bouleversante : Jésus de Nazareth.

Enquêtes, recherches, analyses, discussions : ce drap connu sous le nom de « Saint-Suaire » a fait beaucoup parlé de lui. Pendant des siècles, il a été vénéré comme la plus précieuse relique de la chrétienté.

Puis en 1988, coup de théâtre. Une analyse au carbone 14, affirme que l'origine de cette toile remonte au Moyen Age, autrement dit à une époque successive à la date de la crucifixion de Jésus.

Les experts sont partagés. Pour certains l'analyse n'a pas été rigoureuse et ne constitue pas une preuve, pour d'autres elle est valable. D'autres encore réaffirment que le linceul n'a pas enveloppé le corps de Jésus.

Pour essayer de faire le point concernant les connaissances et les argumentations pour ou contre le Saint-Suaire, Emanuela Marinelli, professeur de sciences naturelles et géologiques, membre éminent du Centre romain d'étude du Linceul de Turin , organisatrice du Congrès mondial Saint-Suaire 2000, auteur de nombreux ouvrages, intervenue dans des centaines de rencontres sur le sujet, promotrice de la revue « Collegamento pro Sindone » et du site www.sindone.info, vient de publier le volume : « La Sindone. Analisi di un mistero » (Le Linceul. Analyse d'un mystère) aux éditions Sugarco ( 267 pages, 19,50 Euro).

ZENIT l'a rencontrée.

ZENIT : Combien de mystères ce morceau de tissu jauni par le temps cache-t-il? Et quels sont-ils?
Prof. Marinelli :
Depuis des années, les chercheurs s'interrogent sur ce linceul, conservé à Turin depuis plus de quatre siècles. Son histoire, rigoureusement documentée, part de la moitié du XIVème siècle et les chercheurs enquêtent sur le parcours de son arrivée en Europe. Mais le mystère le plus fascinant reste l'origine de l'image humaine imprimée sur l'antique tissu. Cette empreinte se voit encore mieux sur le négatif d'une photo. Ce drap a certainement enveloppé un cadavre ; mais le corps, comment a-t-il pu projeter son image sur l'étoffe? L'image est déterminée par un phénomène de déshydrations et d'oxydation, qui ne peut-être provoqué par le seul contact du drap avec le cadavre.

ZENIT : On a beaucoup écrit sur le Saint-Suaire. Quelles nouveautés apportez-vous ?
Prof. Marinelli :
Outre toutes les raisons de douter du résultat de l'analyse par radiocarbone, qui fait remonter l'origine du linceul au Moyen âge, ce livre fait état de récentes études menées par un groupe de scientifiques de l'ENEA, l'institution centrée sur les nouvelles technologies, l'énergie et l'environnement, de Frascati (Rome).
Dans cet institut, les chercheurs ont pris quelques échantillons de lin et les ont irradiés avec un appareil, le laser à excimères, qui émet des rayons ultraviolets à haute intensité. Les résultats, comparés à l'image du linceul, révèlent des analogies intéressantes et confirment la possibilité que l'image ait été provoquée par une irradiation ultraviolette directionnelle.

ZENIT : Cela fait des décennies que vous étudiez le Saint-Suaire, quelle idée vous en êtes-vous faite? Est-ce vraiment le drap qui a enveloppé Jésus après sa crucifixion?
Prof. Marinelli :
Cela ne fait aucun doute, ce drap ne peut avoir enveloppé un autre cadavre. Et l'image a du se former au moment de la résurrection, provoquée par un faisceau de lumière jaillissant de son corps glorieux.

ZENIT : Quelles sont les preuves et les arguments les plus solides qui prouveraient que c'est ce tissu de lin qui a servi à envelopper le corps du Christ?
Prof. Marinelli :
Il y a une parfaite coïncidence entre les récits des quatre évangiles sur la Passion du Christ et ce que l'on observe sur le Suaire: la flagellation comme peine en soi, trop abondante pour être le prélude de la crucifixion (120 coups au lieu des 21 habituels) ; la couronne d'épines, un fait tout à fait insolite ; le transport du patibulum, le pieu horizontal de la croix ; la suspension à la croix avec des clous au lieu d'utiliser les cordes habituelles ; l'absence de crurifrage, la fracture des jambes infligée pour accélérer la mort ; la blessure au côté après la mort, avec écoulement de sang et de sérum ; le fait de ne pas avoir laver le corps (dû à la mort violente et à une sépulture rapide) ; le cadavre enveloppé dans un drap précieux et la déposition dans un tombeau pour lui au lieu de finir dans une fosse commune ; le bref séjour dans le drap.

ZENIT : Si le Saint-Suaire est vraiment ce que vous et tant d'autres disent, quel est le sens de cette relique? Le Seigneur veut-il donner une réponse à notre incrédulité?
Prof. Marinelli :
Il est certainement étonnant de penser que la révélation photographique du linceul remonte à la fin du XIXème siècle, période où le positivisme se caractérisait par une confiance dans le progrès scientifique et par la tentative d'appliquer la méthode scientifique à toutes les sphères de la connaissance et de la vie humaine. Au moment où la foi en Jésus Christ semblait, aux yeux des sages, quelque chose de dépassé, la science photographique révélait son image comme une mystérieuse présence sur le linceul.
Avec la venue des ordinateurs dans la seconde moitié du XXème siècle, a été révélée la tridimensionnalité de l'image du linceul. Et encore une fois, le Christ émerge de ce lin dans toute sa majesté.
Les fidèles de saint Thomas Apôtre, à travers le Saint-Suaire, peuvent encore aujourd'hui mettre le doigt dans les plaies du Seigneur et avoir un signe, qui est en réalité comme le signe de Jonas (Mt 12,39-40)

ZENIT : Pourquoi certaines personnes cherchent à montrer que ce linceul n'est pas celui du Christ? Quel arguments apportent-ils?
Prof. Marinelli :
Le Saint-Suaire inquiète ceux qui veulent exclure le Christ de leur vie. Le seul argument qui est reproposé pour nier l'authenticité de cette relique est la preuve par radiocarbone. Mais il y a de tout autour de ce test et il est juste de connaître les dessous de cet examen pour se rendre compte du manque de fondement de ses résultats.
J'ai consacré plus de la moitié de mon livre à cette histoire, jusqu'aux derniers développements, avec les aveux de Christopher Bronk Ramsey, le directeur actuel de l'un des trois laboratoires qui, il y a vingt ans, ont daté le linceul : « Il y aurait, semble-t-il conflit concernant l'interprétation des mesures établies par radiocarbone et les autres preuves que nous avons sur le Saint-Suaire. C'est pourquoi j'estime que toute personne ayant travaillé dans ce secteur, scientifiques, experts en radiocarbone et autres experts, doivent avoir un regard critique concernant les preuves qu'ils ont produites de manière à retracer une histoire cohérente qui s'adapte et nous révèle la véritable histoire de ce mystérieux morceau de tissu » . Les recherches doivent donc continuer, mais de manière transparente et exempte de préjugés.

Antonio Gaspari

Source: ZF09052804 - 28-05-2009
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10 décembre 2013

Sommes-nous égaux devant le bonheur? P. Gravel, Le Devoir 28-29 oct 2006


Sommes-nous égaux devant le bonheur?
Le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik estime que la souffrance est un passage obligé pour atteindre le bonheur

Pauline Gravel - Le Devoir
Certaines personnes semblent y accéder plus facilement que d’autres, même quand le malheur s’abat sur elles. Existerait-il des gènes qui prédestinent au bonheur? En s’appuyant sur les plus récentes découvertes en neurologie et en psychologie, le célèbre neuropsychiatre Boris Cyrulnik démontre dans son dernier livre, De chair et d’âme, qu’en matière de bonheur, la génétique oriente en effet nos choix de vie. Mais elle ne nous voue pas nécessairement à une vie heureuse ou à la dépression. De même, les terribles épreuves subies par certains enfants ne les condamnent pas irrémédiablement à une vie ratée et malheureuse. Le milieu sensoriel, affectif, social et culturel dans lequel nous baignons refaçonne constamment notre cerveau, berceau des émotions. L’humain peut ainsi rebondir du malheur au bonheur. Ces deux antagonistes sont d’ailleurs inextricablement liés, souligne le théoricien de la résilience, Boris Cyrulnik. La souffrance serait même un passage obligé pour atteindre le bonheur. Sans elle, la vie n’aurait aucun intérêt.
Un enfant négligé, maltraité ou qui vit auprès d’une mère dépressive et malheureuse à ce moment critique du développement cérébral apprendra à son cerveau à canaliser — «circuiter» — les informations vers les zones cérébrales qui déclenchent plutôt la tristesse.

Le gène de la vulnérabilitéÀ la fin des années 90, des chercheurs ont découvert que chez les singes et les êtres humains, certains individus ont des gènes qui synthétisent de longues protéines capables de véhiculer beaucoup de sérotonine, alors que d’autres individus sont de petits transporteurs de sérotonine. Neuromédiateur sécrété dans l’espace situé entre deux neurones, la sérotonine joue un rôle fondamental dans l’humeur. Elle stimule les désirs, améliore les fonctions cognitives, et un grand nombre de médicaments antidépresseurs accroissent sa présence dans le cerveau.
«Or on constate que les petits transporteurs de sérotonine sont hypersensibles. Ils réagissent avec beaucoup plus d’émotivité aux épreuves que les gros transporteurs, beaucoup moins sensibles aux événements de la vie», confirme Boris Cyrulnik au bout du fil depuis Paris. «Toutefois, cette tendance naturelle ne prédit absolument pas les dépressions à venir.»
Prenant conscience très jeunes, pendant l’enfance, qu’ils sont vulnérables aux difficultés, les petits transporteurs de sérotonine s’organisent une vie stable et paisible, entourés de l’affection de maman et papa. Ils s’intègrent bien à l’école, laquelle encourage la routine. Par contre, ils supportent mal les déménagements. Lorsqu’ils se marient, ils font des maris fidèles et de gentils parents.
En revanche, les gros sécréteurs de sérotonine ont besoin de fortes stimulations pour avoir l’impression d’exister. Enfants, ils sont des transgresseurs, et quand ils arrivent à l’adolescence, ils prennent des risques. Les filles font de l’auto-stop en minijupe et en débardeur. Les garçons font des excès de vitesse ou se lancent dans des bagarres inutiles, note Boris Cyrulnik. Adultes, ils multiplient les aventures extraconjugales, et quand on les abandonne, ils ne souffrent pas longtemps avant de tourner la page. Toutefois, arrivés à un certain âge, ils n’ont rien construit et un nombre non négligeable d’entre eux sombrent dans la dépression.
Alors que, chez les animaux, le fait d’être un gros transporteur de sérotonine est garant d’un rang élevé dans l’échelle sociale, chez les humains, les petits transporteurs, à force de bons résultats scolaires — très valorisés dans notre culture — et de travail routinier, accéderont souvent à des postes supérieurs.
Mais les enfants sages et sans problèmes ne sont pas pour autant assurés de connaître le bonheur éternel, nous apprend Boris Cyrulnik dans De chair et d’âme, qui paraît aux Éditions Odile Jacob et qui arrivera dans nos librairies à la mi-novembre. L’auteur cite les résultats d’une étude longitudinale menée par des chercheurs portugais sur une cohorte d’enfants modèles. Comme on s’y attendait, ces enfants irréprochables étaient devenus des adultes bien socialisés et sans troubles graves de la personnalité. Par contre, ils (davantage les filles que les garçons) étaient devenus anxieux et plus souvent déprimés que les enfants «normalement difficiles», c’est-à-dire plus sujets à provoquer de petits conflits sans grande conséquence. Rien n’est simple...

Période sensible
Ce déterminant biologique lié au transport de la sérotonine «n’empêche toutefois pas le milieu de marquer son empreinte dans le cerveau et d’orienter l’acquisition d’un style affectif — d’une manière d’aimer — particulier», rappelle Boris Cyrulnik. Le scientifique explique que les informations sensorielles qui enveloppent le jeune enfant induisent la création d’une myriade de nouveaux circuits dans le cerveau. Les neurones établissent 200 000 contacts par heure au cours des quatre premières années de la vie, précise-t-il.
Un enfant négligé, maltraité ou qui vit auprès d’une mère dépressive et malheureuse à ce moment critique du développement cérébral apprendra à son cerveau à canaliser (à «circuiter») les informations vers les zones cérébrales qui déclenchent plutôt la tristesse, explique-t-il. Par contre, si l’enfant est rassuré et entouré d’une mère gaie, son cerveau sera formaté différemment et les stimulations de son milieu seront projetées de préférence vers la région cérébrale qui induit des sensations de bonheur et d’euphorie. «C’est la banalité du quotidien qui façonne le cerveau, souligne Boris Cyrulnik. Les interactions quotidiennes établissent des circuits, des voies préférentielles, ce qui confirme l’intuition de Freud.»
L’isolement sensoriel dans lequel se retrouve un enfant qui perd sa mère et ne trouve aucun substitut dans sa famille ou sa culture ralentit la création de nouveaux circuits cérébraux. Cette carence peut même mener à l’atrophie de la région fronto-limbique du cerveau. L’observation au scanner des cerveaux de jeunes orphelins abandonnés et privés de toute affection a en effet montré que cette zone cérébrale, responsable des émotions et de la mémoire, avait littéralement fondu.
Lorsque ces enfants ont été confiés à des familles d’accueil généreuses, leur cerveau a retrouvé sa taille normale un an plus tard. Les gamins avaient également récupéré un niveau intellectuel normal et s’intégraient bien socialement. En s’appuyant sur ces exemples, Boris Cyrulnik affirme que tout n’est pas perdu pour un enfant abandonné, maltraité par la vie. Grâce au phénomène de la résilience — que le neuropsychiatre a grandement vulgarisé —, «l’enfant pourra reprendre un autre type de développement si la famille et la culture disposent autour de lui de nouveaux tuteurs».
Boris Cyrulnik en sait quelque chose, lui qui est devenu orphelin à l’âge de cinq ans un jour de 1942, lors duquel sa mère polonaise est arrêtée et déportée. Enrôlé dans la Légion étrangère, son père, Juif d’Ukraine, disparaît aussi. Le jeune Boris échoue alors à l’Assistance publique (l’orphelinat), où une institutrice, qui le croit en danger, le garde chez elle jusqu’à ce que des voisins les dénoncent. Le gamin est alors embarqué et enfermé dans une synagogue de Bordeaux. Il échappe de justesse à la déportation en s’éclipsant dans les toilettes au moment d’une rafle. Il a 11 ans lorsqu’il retrouve à Paris une tante qui l’inscrit à l’école. Il se passionne alors pour la natation, la nature et l’éthologie, c’est-à-dire le comportement animal mais aussi celui de l’homme, qu’il étudiera par le truchement de la psychologie, de la neurologie et de la psychanalyse.

Influences déterminantesDans son livre, le neuropsychiatre explique que d’autres membres de la famille de l’enfant, des amis et même la culture peuvent en effet avoir une influence déterminante sur le développement de l’attachement en favorisant une évolution résiliente. Des enfants maltraités par un parent ne deviendront pas nécessairement maltraitants à l’âge adulte s’ils bénéficient du soutien d’une autre personne aimante de leur entourage et si leur communauté propose d’autres lieux éducatifs. Le vulgarisateur de la résilience donne en exemple Bill Clinton qui, en dépit de la violence du second mari de sa mère, a réussi à développer une sociabilité tout à fait normale grâce à l’affection de sa mère et de ses grands-parents ainsi qu’aux nombreuses associations de sport, de musique et d’activités culturelles présentes dans son patelin. Si le petit Bill avait vécu dans un milieu fermé et isolé, son cheminement aurait été nettement plus difficile, prévient Boris Cyrulnik.
La culture n’agit pas toujours favorablement, fait-il par ailleurs remarquer. Longtemps, les Européens et les Québécois ont cru qu’il valait mieux laisser pleurer les bébés et éviter de les prendre dans ses bras de peur qu’ils ne deviennent capricieux, rappelle-t-il. «Effectivement, un bébé dont on ne s’occupe pas arrêtera de pleurer au bout de trois heures, dit-il. Cela ne donne pas raison à cette théorie pour autant mais confirme en fait qu’un bébé non bercé apprend le désespoir. Tout se passe comme s’il se disait : “Pas la peine de pleurer, personne ne viendra m’aider. Je suis seul au monde et je dois devenir indifférent pour ne pas trop souffrir.”» C’est un comportement courant dans les grands orphelinats.
«À l’inverse, si, au moindre pleur, on se précipite sur lui pour le cajoler, on compromet aussi son développement, car le bébé apprend que son désir est roi : ta mère est à ta disposition, et si elle n’accourt pas tout de suite, c’est qu’elle est une mauvaise éducatrice», poursuit-il. En bref, le parent doit être ni trop distant ni trop protecteur afin que son enfant apprenne à surmonter les épreuves. Alors, il pourra développer un attachement solide et sans inquiétude («sécure») qui lui permettra de s’épanouir.

Sans souffrance, point de bonheurPour que se tisse un lien d’attachement, l’enfant doit vivre quelques frayeurs (une voiture qui klaxonne, un chien qui jappe, un inconnu qui entre dans la maison), que sa mère ou son père sauront apaiser. Privé de ces petites frayeurs, l’enfant n’a pas de raison de s’attacher, affirme Boris Cyrulnik. «Une alerte pacifiée, un chagrin consolé donnent à une figure d’attachement un pouvoir tranquillisant et permettent à l’enfant de reprendre confiance en soi et d’éprouver le plaisir de partir à la découverte de l’inconnu», précise-t-il dans son livre. «Quand les parents, au contraire, entourent le petit au point de l’enfermer dans une prison affective, toute séparation est alors vécue comme une menace de perte.»
L’enfant rassuré éprouve un intense bonheur quand il retrouve la personne à laquelle il est attaché et dont il a été temporairement privé de la présence. Par contre, l’enfant assiégé par le dévouement amoureux de sa mère peut ressentir du déplaisir au moment des retrouvailles, comme la nourriture finit par provoquer le dégoût lorsqu’on a mangé à satiété. «C’est donc le rythme, la pulsation et l’alternance qui provoquent la sensation de joie ou de bonheur extrêmes», souligne-t-il.
«On peut donc dire que les séparations entre la mère et son enfant sont nécessaires au cours de l’éducation. Si ces séparations sont durables au point de devenir des abandons et des isolements sensoriels, l’alerte biologique jamais calmée finit toutefois par faire éclater les cellules, expliquant ainsi l’atrophie cérébrale observée chez les enfants abandonnés dans des orphelinats et leur instabilité émotionnelle», écrit M. Cyrulnik.
On peut dire aussi que lorsqu’il n’y a jamais de séparation, la routine qui enveloppe l’enfant supprime toute sensation d’événement. Or un cerveau qui n’est pas stimulé rend l’enfant passif, incapable de décider. «Seul le couplage “tristesse de la séparation” et “bonheur des retrouvailles” apprend à l’enfant à surmonter ses petits chagrins et lui permet d’acquérir un sentiment de confiance. Pour accroître l’attachement d’un petit enfant, il ne suffit pas de satisfaire ses besoins, insiste Boris Cyrulnik. Au contraire, c’est l’apaisement d’une souffrance qui l’augmente et non la satisfaction d’un plaisir.»
L’empathie, cette faculté de ressentir ce que pensent et ressentent les autres, prépare à la parole et à la socialisation, poursuit-il. Or le développement de cette faculté est compromis autant chez les enfants privés d’une base de sécurité en raison d’un abandon que chez les bambins sous l’emprise d’un amour parental trop bienveillant qui les isole du monde extérieur. Une fois à l’adolescence, l’individu qui a été «trop entouré ne saura pas harmoniser ses désirs à ceux du partenaire espéré car il n’aura pas appris à se décentrer de lui-même».

Une seconde chance à l’adolescenceAu cours des premières années, l’attachement est particulièrement malléable, souligne le chercheur. Chaque rencontre a un pouvoir façonnant alors que les neurones envoient des prolongements synaptiques dans tous les sens. Puis, le cerveau s’apaise et l’enfant établit ses relations en employant le style affectif qu’il a inconsciemment acquis.
Dans toutes les cultures, un enfant sur trois n’a pas acquis l’attachement «sécure», soit parce qu’il est tombé gravement malade, soit parce que sa mère est dépressive, soit parce que son père est disparu, indique Boris Cyrulnik. Pour ces mal partis de la vie, l’adolescence représente une deuxième chance. Sous l’effet du déversement hormonal, le cerveau retrouve une certaine plasticité qui permet aux intenses émotions provoquées par les premières amours d’induire un remaniement du mode d’attachement. Dans le cadre des recherches qu’il effectue à l’Université de Toulon, Boris Cyrulnik a ainsi vu des délinquants apprendre à mieux se faire aimer. Un tel phénomène est plus courant chez les garçons qui connaissent un bouleversement hormonal plus intense que les filles, dont les sécrétions hormonales sont plus douces et plus graduelles, précise le chercheur.
Plus tard dans la vie, à l’âge de la retraite, l’attachement subit généralement quelques transformations additionnelles. À cette étape de la vie où les proches parents et les amis disparaissent peu à peu, l’environnement affectif s’appauvrit. Par contre, notre monde intime, constitué par le récit de soi qui est bien gravé dans la mémoire, prend le relais. «Les anciennes figures d’attachement s’internalisent. Une photo, une lettre ou un petit objet suffit pour les évoquer et provoquer un apaisement», indique Boris Cyrulnik.
À cet âge, l’identité de la personne est plus forte que jamais. Elle nous permet de savoir ce qu’on veut, ce qu’on aime, là où on est fort et là où on échoue. Nos choix sont donc mieux adaptés alors que lorsqu’on est jeune, on fait parfois des choix malheureux parce qu’on se connaît mal. «Les jeunes ont une identité encore incertaine, ce qui fait qu’ils peuvent bien rêver de devenir chanteur alors qu’ils n’ont aucune aptitude», précise le chercheur.
Quand on devient âgé, on peut aussi se rapprocher de Dieu. «Le psychisme a horreur du vide, affirme Boris Cyrulnik. Alors, quand une personne âgée cherche à se représenter l’après-mort, elle éprouve une sorte de vertige au bord du gouffre et se sent apaisée dès qu’elle y place Dieu.»
La plupart du temps, la personne âgée qui a vécu dans une famille croyante redécouvre Dieu et s’attache à lui. Les «sécures» «le remercient du miracle de vivre». Plus vulnérables et plus rigides, les «insécures» entretiennent avec Dieu un hyperattachement anxieux qui les rend agressifs quand on tente de les faire douter de leur planche de salut.
«Globalement, les croyants se sentent mieux que les athées parce qu’ils maintiennent au fond d’eux-mêmes une base de sécurité. Le fait de rencontrer régulièrement des gens qui partagent la même croyance structure leur enveloppe affective», explique le neuropsychiatre avant d’ajouter que la simple évocation de Dieu diminue les marqueurs biologiques du stress.
Tout au long de son livre, Boris Cyrulnik nous montre que «la vie est une conquête perpétuelle, jamais fixée d’avance. Ni nos gènes ni notre milieu d’origine ne nous interdisent d’évoluer. Tout reste possible».