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5 décembre 2013

Sexualité et sainteté


Jean-Paul II et la sexualité – Yves Semen
Abbaye cistercienne Sainte Marie de Boulaur

 
Jean-Paul II : le sexe sans tabou

Une révolution en matière de sexualité ! C’est ce qu’a réalisé Jean-Paul II en distillant un enseignement nouveau pendant plus de 4 ans, lors de ses catéchèses du mercredi consacrées à l’amour humain dans le plan divin. Au cours de la dernière audience, le 28 novembre 1984, il révèle son intention première et donne le titre de tous ces enseignements : "Théologie du corps"... qui ne remplit pas moins de 4 volumes, aujourd’hui encore méconnus et peu étudiés. Yves Semen vient combler cette lacune ! Il en propose les points essentiels dans son ouvrage "La sexualité selon Jean-Paul II", accessible à tout public.
 

Interview.
 

Jean-Paul II a développé toute une catéchèse sur l’amour humain. En quoi son approche de la sexualité est-elle nouvelle ?

Jusqu’à Jean-Paul II, l’enseignement traditionnel de l’Église sur la sexualité et son usage dans le mariage partait principalement des fins " naturelles " de l’union des sexes, à savoir la procréation, l’éducation des enfants et le secours mutuel que devaient s’apporter les époux. Autrement dit, partant de l’homme comme " animal raisonnable ", on considérait la sexualité humaine à partir de la sexualité animale et on en faisait une sorte de sublimation culturelle, du fait que l’homme était appelé à dominer l’instinct sexuel par la raison. Ce n’est pas faux, mais c’est très insuffisant pour parler du mariage comme d’une vocation.

Jean-Paul II nous invite à considérer la sexualité humaine d’un point de vue complètement différent, à partir de la vocation des personnes à la communion, sur le modèle de la communion des personnes divines. Aux origines, dans le plan de Dieu, les époux étaient appelés par leur sexualité à se faire don total de leurs personnes dans une communion des âmes, des cœurs et des corps, et devenir ainsi une icône vivante de la communion des personnes divines dans la Trinité. Ils étaient image de Dieu, non seulement par leur âme spirituelle, mais également par leur capacité de communion exprimée sexuellement par le don des corps. Le Saint Père souligne par ailleurs que le don sexuel des époux, vécu véritablement comme don, est une œuvre de sainteté : la sainteté propre aux époux, en vertu de leur vocation dans le mariage.

C’est pourquoi, en matière de sexualité, Jean-Paul II propose une vraie révolution, au sens étymologique, c’est-à-dire un renversement de perspective. On a connu la "révolution copernicienne " en astronomie, je suis convaincu que l’on ne tardera pas à parler de " révolution wojtylienne " en matière sexuelle ! L’enseignement de Jean-Paul II dans sa théologie du corps constitue ainsi un apport décisif qui place l’Église à la pointe du discours actuel sur l’Homme et atteste en plénitude de son expertise en humanité.  

 

D’où vient alors ce tabou du sexe chez les cathos ?

C’est une légende, mais qui est tenace. Ainsi que l’explique le cardinal Lustiger, elle provient de ce qu’on confond le christianisme avec le puritanisme anglo-saxon. Et il ajoutait que ce mensonge ne pourrait durer éternellement. Il faut le souhaiter, et la théologie du corps de Jean-Paul II, lorsqu’elle sera mieux connue, devrait y aider. En tout cas, telle n’était pas la réputation des chrétiens dans les premiers temps de l’Église. Un philosophe comme Celse, au 1er siècle, désignait ainsi les chrétiens de manière péjorative comme " le peuple qui aime le corps " !

Si l’Église est " experte en humanité " selon la belle expression de Paul VI, c’est peut-être d’abord et surtout sur la question du corps et de la sexualité. L’Église s’est toujours battue contre toutes les déviations qui menaient à un mépris du corps : manichéisme, arianisme, catharisme, jansénisme... Elle célèbre le corps et le tient dans une grande estime, comme signe de la vocation de la personne au don d’elle-même.

Ce que l’on reproche surtout à l’Église, c’est d’avoir semblé se focaliser de manière excessive sur les péchés d’ordre sexuel. Mais c’est précisément parce que l’Église a toujours eu le sentiment d’être dépositaire d’une grande vérité sur le sens du corps humain et de la sexualité qu’elle a été portée à être vigilante sur ce point -au risque parfois de l’excès-, à l’égard de ce qui pouvait détourner l’homme de la perception du sens et de la vocation de son corps.
 

L’Eglise affirme ainsi sa foi en la résurrection de la chair...

Précisément. Nous devons nous rappeler que nous ne disons pas dans le Credo " je crois à l’immortalité de l’âme ". D’ailleurs, pour croire à l’immortalité de l’âme, il n’est pas besoin de la foi : une bonne philosophie y suffit !

Nous disons " je crois à la résurrection de la chair ", c’est-à-dire à la transfiguration de nos corps à la fin des temps, (ou n’est-ce pas plutôt ici et maintenant-Robert) en corps glorieux semblables à celui du Christ ressuscité.

C’est cet état final de nos corps que nous attendons et que nous espérons par delà la mort. Comment mépriser le corps dans ces conditions ? Ce serait un non-sens.

 

Quelle définition donneriez-vous à l’amour conjugal ?

Celle que donne Jean-Paul II ! L’amour conjugal, soutenu par la grâce sacramentelle du mariage, est une des voies de réalisation plénière de la personne par le don d’elle-même.

Le Concile de Vatican II affirme dans une constitution de Gaudium et spes que l’homme ne peut se réaliser pleinement que dans le don sincère de lui-même.

Le don sincère de soi-même, c’est-à-dire le don total et sans réserve, n’est-ce pas finalement l’autre nom de la sainteté ? A côté de la virginité consacrée, le mariage est ainsi réellement, par et dans l’exercice d’une sexualité de don, une voie de sainteté à part entière.

Article paru sur Christicity

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